Mal-être au travail : attention au brown-out !

Burn-out, born-out… ces mots vous sont, hélas, familiers. Mais connaissez-vous le brown-out ? Et pour ces trois mal-être profonds, quelles réalités se cachent derrière ces mots ? Réponses avec Jean-Pierre Lehnisch, pour éviter de devenir « bourreau » sans le savoir. Ou pour identifier une souffrance au travail vécue ou constatée dans votre entourage.

Brown-out : « fais et tais-toi »

Insidieux, le brown-out apparaît quand, au fil des jours ou des mois, une personne enchaîne des tâches sans qu’on lui en explique le sens.

« Quel que soit sa situation ou son grade, il est difficile d’exécuter une tâches sans connaître sa finalité ! Cela entraîne une mauvaise exécution et une baisse terrible de motivation. On devient un robot », explique Jean-Pierre Lehnisch, président directeur général du CNFDI (Centre National Privé de Formation à Distance), docteur d’État en droit et licencié en sociologie.

« Trois raisons peuvent expliquer cette dérive managériale », ajoute-t-il.

  • La plus sournoise «humilie et décourage le collaborateur délibérément afin de se débarrasser de lui ».
  • La deuxième, maladroite ou involontaire, résulte de « la volonté de gagner du temps en s’évitant des explications qu’on estime trop longues. Ou pire, que l’on juge hors de portée de l’intelligence du collaborateur ».
  • La dernière teste la fidélité du collaborateur. « Exécuter sans comprendre, c’est montrer à l’entreprise sa fidélité sans bornes (si on me dit de le faire, c’est que c’est bon pour l’entreprise) ».

Seulement voilà, précise Jean-Pierre Lehnisch, « ce flou, ce côté sombre, ce manque d’explications usent et détruisent les personnalités. L’instruction « fais et tais-toi » est mal vécue par un adulte. Surtout quand les décisions semblent absurdes. On peut comprendre sans explication des mesures logiques. Mais c’est loin d’être le cas pour ce type de dérives ! Dans de nombreuses entreprises, des décisions apparaissent absurdes ! Et il faut les appliquer sans les comprendre ! Cela détruit les motivations et peut aboutir aux mêmes effets que précédemment : multiplications des arrêts maladies, erreurs nombreuses que l’on camoufle, mépris de la hiérarchie, manque de confiance dans son entreprise… ».

Burn-out : fais ceci, fais ça, puis ça et encore ça !

Complexe, le burn-out touche les salariés à qui l’on confie toujours plus de travail et/ou de responsabilités, et qui se sent obligé de dire oui.

« Le problème peut s’avérer dramatique quand le collaborateur ne peut pas refuser (peur pour son poste) et se trouve incapable d’absorber tous les dossiers dont il hérite. Il se bat alors contre lui-même. L’heure du repas saute, les sorties du bureau se font de plus en plus tardives, les arrivées, au contraire se font de plus en plus tôt. Tout ce schéma peut tenir quelques semaines, quelques mois au plus. Mais à un certain moment, tout craque. Pour peu que s’y greffent quelques problèmes personnels (conjoint(e)s, enfants…), on perd pied.

Très vite, les nuits sont tourmentées (on refait le planning de la journée passée, on bâtit un plan d’action pour la journée qui vient…), la fatigue est là, on n’a plus de réaction et on est même plus capable de passer un appel téléphonique, prostré durant une heure devant son combiné téléphonique… On devine alors les regards inquisiteurs de sa hiérarchie, on se sent coupable de ne pas y arriver et on ressent le jugement narquois de M. Michon grand rival qui ne rêve que de prendre votre poste ! »

Puis, « rideau », c’est le burn-out ! Mais à peine parti, « on appréhende le retour qui sera encore plus douloureux ! En effet, les retours de congés pour ces personnes en difficulté sont porteurs de surprises négatives : changement de bureau à un endroit plus reculé, changement de collaborateurs, petits mots désagréables de sa hiérarchie… Cela se termine, si un management bienveillant n’arrive pas à la rescousse, et en guise de pansement, par un arrêt maladie de longue durée…

Bore-out : ne touche à rien !

« C’est, si l’on peut dire, l’effet inverse de la dérive précédente » indique Jean-Pierre Lehnisch.

Véritable mise au placard, cette technique vise à « se débarrasser d’un collaborateur, surtout s’il est cadre, sans avoir à payer des indemnités de licenciement. Peu à peu, le manager décourage un collaborateur en le poussant à la démission en lui retirant progressivement ses dossiers. Quelle humiliation vis-à-vis de lui-même, de ses collègues et même de sa famille à qui il finit par se confier tant le supplice est fort ! Il n’est plus convoqué aux réunions de travail, il n’est plus destinataire de notes de service, on ne lui demande plus rien ! Les appels téléphoniques sont détournés sur un autre collaborateur qui s’en trouve flatté… On ne s’occupe plus de lui ! Ses collègues, sentant la disgrâce, s’éloignent progressivement de lui de peur de déplaire à la hiérarchie… »

Que fait-il alors ?

« Pendant des semaines, voire des mois, le collaborateur fait « semblant ». Il arrive et il part à l’heure, et il s’occupe pendant la journée. Il trie d’anciens dossiers, il effectue des recherches sur internet. Quand il le peut, il reçoit quelques prestataires qui proposent leurs services… Si le supplice continue, il commence à prendre quelques libertés. Il arrive plus tard, il s’absente durant les heures de service pour faire des courses… Mais le sentiment de culpabilité est là ! Impossible de profiter de cette situation irréaliste, même s’il perçoit l’intégralité de son salaire ! Alors vient le moment où il demande un entretien à sa hiérarchie. Sans suite. Le découragement est là, la dépression morale est également arrivée ! Après chaque période de vacances, il appréhende le retour au bureau, avec son lot d’humiliations dont l’imagination est fertile. »

Au final, le bore-out produit « les mêmes effets que pour le burn-out sur la santé du collaborateur : démission ou arrêt maladie, longue maladie… Et, là encore, toutes les parties s’en trouvent pénalisées car l’exemple qui est donné terrorise les autres membres du personnel ! Pour doper la sérénité dans le travail, il y a mieux » !

Bien sûr, précise Jean-Pierre Lehnisch, « la jurisprudence sanctionne ce type de management. Il n’a rien de bienveillant et il mène à la destruction de la personne ! »

 Jean-Pierre Lehnisch - Brown-out burn-out et bore-outJean-Pierre Lehnisch est le président-directeur général du CNFDI (Central National Privé de Formation à distance). Docteur d’État en droit, licencié en sociologie, il est expert en enseignement à distance et auteur de plusieurs ouvrages dont La communication dans l’entreprise (édition Eyrolles).